La Muse : M.Y. digitalisée

C’est au vernissage d’une exposition de son père au Musée des Arts décoratifs qu’Yvaral fait la rencontre de Michèle, en 1963. Il l’épouse quelques années plus tard, après avoir mis fin à un bref premier mariage. Michèle est alors une beauté blonde et longiligne, typique des canons esthétiques de cette époque, celle du mannequin Twiggy. « J’avais de beaux cheveux épais, plus longs que la jupe, un corps d’enfant, ultraplat, et de grands yeux très maquillés », s’est-elle décrite dans des mémoires inédits. De nombreuses photographies de l’époque, prises par Yvaral lui-même ; reflètent en effet cette apparence, qui inspire l’artiste lorsqu’il revient à la figuration, en 1977, et qu’il réalise ses premières images digitalisées.

Jusqu’en 1979, Michèle fait l’objet d’un premier ensemble d’œuvres qui est sans doute le plus important numériquement dans la famille des digitalisations. Elles ne dérivent pourtant que de trois motifs : l’un est un portrait, les deux autres sont des nus de face. Mais ces images matricielles sont déclinées en de multiples variantes qui jouent sur le module de la structure pixellisée et sur son chromatisme, en provoquant des situations visuelles qui rappellent celles de l’art optique et cinétique. Yvaral revient à l’image de Michèle en 1992, avec certaines poses nouvelles, et alors que son iconographie s’est enrichie d’autres représentations de nus féminins. Il les réunit en une série dont le titre à double sens, Corps corpusculaires, connecte l’érotisme avec les sciences, qui ont passionné l’artiste autant qu’elles avaient passionné son père.

Transférée sur la toile, l’image glamour de Michèle confère aux digitalisations d’Yvaral un caractère indéniablement pop. Elle leur donne une position singulière dans le paysage de l’histoire de l’art : entre op, pop et art numérique.

Arnauld Pierre